Commencer un programme ou un projet de santé reproductive: Le Cadre

Plusieurs d'entre vous, que ce soit sur le net ou en live, m'ont posé des questions sur comment commencer un projet promouvant la santé reproductive. Que ce soit un travail avec des jeunes pour éveiller leur conscience aux dangers d'une sexualité non protégée, ou alors travailler avec des femmes en âge de procréer pour leur faire adhérer à la contraception, ou encore lutter efficacement contre les violences sexuelles, les grands principes sont en réalité les mêmes.
Dans cette série d'articles, j'essaye de résumer quelques étapes et points importants à retenir lorsqu'on décide de travailler sur la thématique.

Lorsque l'on veut s'impliquer dans la Sante Reproductive il est très important de savoir situer son action. Quelque soit le pays où l'on oeuvre, trois éléments doivent rester à votre esprit:

1. Quel est le cadre existant ?
2. Quels sont les services disponibles,  accessibles?
3. Qu'est ce qui va favoriser la pérennité des actions à entreprendre ?

Ces trois questions sont primordiales et des réponses doivent être trouvées avant de se lancer dans la planification et la mise en oeuvre des projets. Elles seront les nœuds de nos trois articles.

Aujourd'hui nous nous appesantirons sur le cadre dans lequel devra évoluer l'action à mener.

Lorsqu'on parle du cadre, il s'agit ici des dispositifs légaux et des politiques de mise en oeuvre.  En RD Congo, au Burundi et au Rwanda, la santé reproductive est une thématique qui est elle-même sous le secteur de la santé. Souvent, c'est le Programme National de Santé Reproductive (PNSR) qui s'occupe de ce domaine. 

1. Les lois ou dispositifs légaux:
Les lois et les dispositifs légaux qui couvrent ces domaine sont les éléments qui peuvent déjà vous guider sur ce qui est autorisé ou pas dans le pays. La connaissance des lois peut vous permettre de savoir quelles actions sont compatibles avec la loi et quelles actions sont à mettre en stand bye ou alors pour lesquelles des stratégies alternatives doivent être considérées.

La connaissance des lois et dispositifs légaux en RD Congo par exemple peut déjà vous informer que: 
- L'avortement est illégale sauf dans les cas où trois médecins accrédités confirment que c'est la seule solution  pour sauver la vie de la mère. Ainsi un programme qui aurait pour action d'aider des femmes enceintes suite à un viol d'avorter ne peut pas être cautionné.

- La contraception se fait en couple. Ainsi pour les femmes mariées, une autorisation écrite du conjoint avant d'adhérer à la contraception est requise. Cette information vous permettra donc de mettre en place des actions ciblant les époux et pas seulement les femmes.

-Tout rapport sexuel avec une personne ayant moins de 18 ans est un viol. Au lieu par exemple de proposer des préservatifs aux adolescent (e) s, sachant qu'il y a des risques en matière juridique, cette information permettra donc de mettre en place des activités alternatives pour les jeunes afin de retarder les relations sexuelles. 

Bien entendu, les dispositifs légaux des pays et la réalité du terrain diffèrent souvent. Il y a lieu de s'adapter, tout en restant toujours dans les dispositifs légaux.


2. Les documents stratégiques:
Outre les lois en vigueur, il est important de connaître les documents stratégiques mis en place par le gouvernement afin  d'atteindre des objectifs. Ces documents vous informent sur ce qui est prioritaire ou pas, quel problème mérite plus l'attention et pourquoi, et enfin quelles actions sont proposées par l'autorité étatique pour chaque niveau.
Ces documents servent de guide pour tous les acteurs. Il peut s'agir des politiques nationales, provinciales, des plans d'actions opérationnels, ou même d'un plan de travail d'un groupe de travail Santé Réproductive. L'idéal serait de situer d'abord à quel niveau vous comptez mener votre action et ensuite vous renseigner s'il existe des tels plans à votre niveau.
Plusieurs acteurs mènent des actions sans pour autant se rassurer s'ils sont en accord avec le cadre légal et la/les stratégies locales. Bien entendu en situation d'urgence, la démarche est autre. Mais dans la mesure du possible il est important et très vital de s'aligner à un plan.
Pour être sûr que vous êtes alignés, posez vous à chaque fois la question: Mes actions correspondent à quel résultat prévu par le programme de santé de la reproduction ? Ceci s'appelle aussi l'alignement.

Ne pas s'aligner comporte des inconvénients notables notamment celui de ne pas voir son travail reconnu par la partie étatique. Ensuite cela vous permet de ne pas réinventer la roue, puisque dans ces documents stratégiques il y a toujours des informations précieuses sur ce qu'il faut faire et les pièges à éviter, les défis et parfois les actions prioritaires. Enfin, l'alignement permet de venir en aide aux gouvernements puisqu'il permet de couvrir des secteurs où ils ont expressément demandé de l'aide. (déclaration de Paris).

Vous voulez travailler avec des jeunes? renseignez-vous sur le programme de santé reproductive des adolescents et des jeunes.
Vous voulez travailler dans la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le Genre, contactez le PNSR et lisez attentivement la Stratégie Nationale de lutte contre les violences sexuelles et son plan d'action.
Vous voulez renforcer les capacités des acteurs en matière d'offre de services, lisez les protocoles nationaux sur la santé reproductive. 

3. Que faire si aucune politique ni stratégie n'est adéquate pour les actions à mener?
Parfois vous pouvez vous retrouver face à un dilemme : l'action que vous comptez mener n'est nulle part reprise par les directives ni les plans stratégique, à moins qu'elle ne le soit de manière inadéquate, ne permettant pas de mener votre intervention. Ceci peut arriver avec des sujets hautement sensibles ou non encore explorés. Par exemple si vous décidez de travailler avec des personnes ayant des relations sexuelles avec des personnes du même sexe. Plusieurs pays dans la région ne sont pas encore équipés des directives précises sur la question, il est fort probable que vous manquiez des documents stratégiques ou des directives sur ce sujet soient explicites. 

Pas de panique, vous pouvez quand même faire quelque chose d'utile. 

La première chose à faire est de se rassurer qu'il s'agit là d'une question pertinente, en menant soit une étude, soit une évaluation, soit en vous associant avec des personnes qui sont impliqués dans le même domaine. 

Y-a-t il un groupe de travail ou des acteurs qui travaillent sur le même sujet? contactez-les et formez un cadre de concertation.
Y-a-t il une étude ou une évaluation qui a été faite dans le même domaine? Trouvez le document, et alignez vous aux recommandations qui semblent cadrer avec ce que vous faites.
Il n' y a ni étude ni groupe de travail ni même des acteurs susceptibles de former avec vous un cadre de concertation? Alors soyez un pionnier! Consultez la population (ça peut être la communauté souffrant du problème, ou les autorités qui semblent perdues face à la situation problématique , ou encore des prestataires de santé manquant des directives adéquates). Ainsi vous récolterez grâce à divers méthodes de collecte de données des informations précieuses qui vous permettront de définir le problème et sous quelle niche vous comptez vous situer.
Cette première étape finie,  il est important de chercher l’adhésion de l'autorité étatique en la matière, de manière formelle ou informelle. Discutez de la pertinence de votre action et des moyens que vous pensez être meilleur pour trouver une solution avec les autorités concernées. Ces discussions vous obtiendront si pas l'aval de l'autorité au moins un cadre de discussion, ce qui préviendra des conflits et des mauvaises compréhensions, elles vous aiguilleront aussi vers d'autres alliés potentiels ainsi que des stratégies pour aboutir à vos fins. De plus elles mettrons des bases pour un futur plaidoyer qui ne manquera pas d'arriver d'autant plus que le sujet est peu connu, parfois non prioritaire.

Parfois, il peut être important de travailler d'abord sur les politiques et stratégies, avant même d'entamer votre action proprement dite. Ainsi, vous serez emmené à côtoyer les ''décideurs politiques'', ou les personnes qui ont le devoir de mettre en place lesdits documents pertinents. Souvent, les agences des Nations unies comme UNFPA, OMS ou encore d'autres agences spécialisés comme l'IPPF seront des partenaires très précieux. 

Points importants à retenir:
- le cadre implique les lois, les stratégies, les politiques et les services qui existent dans le pays
- il est important de s'aligner aux politiques et stratégies existantes. 
- lorsque après minutieuses recherches on se rend compte que l'action à faire n'est pas reprise dans les lois et directives, faites une étude, une évaluation et démontrez la pertinence du problème, si possible avec des alliés qui peuvent être d'autres acteurs, des bénéficiaires.
- toujours confirmer que les informations a votre disposition sont les dernières disponibles, à jour, auprès des services ou des acteurs compétents.

On se retrouve bientôt pour parler de la deuxième question qui est: quels sont les services disponibles et accessibles, ou l'on discutera de la quantité et de la qualité de services, ainsi que de leur accessibilité.
En attendant, pourquoi ne pas faire un petit exercice pour collecter dans votre domaine les lois, politiques, stratégies, plans d'actions et groupe de travail existants dans le domaine qui vous intéresse?  

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