Bien être psychosocial et COVID19: Quelles actions?




Bonjour

Le 15 avril 2020, j’ai rappelé  dans ce lien  que pour travailler dans le domaine psychosocial, il serait bon de bien élaborer sa justification et entamer un travail sur soi. Vous pouvez le relire pour une mise à jour avant de continuer. 
Aujourd’hui je reviens sur le deuxième point de cette série d’article :


2. Que faire en tant qu’acteur œuvrant dans le domaine psychosocial ?


Il est important de continuer à donner des soins et des services à nos bénéficiaires malgré les contraintes liées aux restrictions dans les modalités de travail.


Comme je l’ai dit hier, fiez-vous aux directives IASC sur la santé mentale disponible sur ce lien contenant les directives IASC sur la santé mentale en situation d'urgence

En tant qu'acteur, vous avez la possibilité de travailler sur cinq niveaux à savoir: la coordination, les actions en rapport avec les actions sociales, le renforcement et le soutien communautaire voire familial, le traitement ou soutien individualisé, les services spécialisés : centre de prise en charge psychologiques ou psychiatriques

 Pour rappel, vous n’êtes pas obligé de travailler sur tous ces niveaux !



      1.     LA COORDINATION


Menez une analyse contextuelle élargie et inclusive : Normalement dans chaque pays, il existe déjà un plan de contingence de préparation, ou de riposte (ou les deux) au COVID19, mais sont-ils exhaustifs ? En effet, les divers plans de contingence doivent inclure aussi les aspects de soins de santé mentale disponible. En tant qu’acteur du psychosocial, il est de votre devoir de renforcer cette analyse en y incluant les informations sur les personnes en situation de vulnérabilité comme les personnes âgées, porteuse d’handicap, ou déjà vulnérable a d’autres problèmes. Ne pas oublier de nuancer comment sont impacté différemment les femmes, les hommes, les garçons et les filles dans leurs accès à l’information, aux soins, aux structures de prise en charge et aux problèmes de violences sexuelles. Il est important de rappeler déjà l’existence (ou pas ?) des structures offrant la prise en charge, les soins et travaillant dans la santé mentale. Assurez-vous qu’il existe une cartographie (dans laquelle vous figurerez bien entendu) de ‘’qui-fait-quoi-où’’ en santé mentale y compris le psychosocial.



Assurez-vous que vous contribuez à améliorer la coordination des actions existantes ou à venir : en tant qu’acteur du psychosocial, votre rôle est de vous assurer que la santé mentale est une question transversale et qu’elle est prise en compte par tous. Ne travaillez pas en solo ! Intégrez les groupes de travail de Protection, de santé, de la lutte contre le GBV essentiellement. Rappelez constamment les questions de santé mentale dans les évaluations multisectorielles, dans la formulation des plans de prévention et réponse, dans le recrutement ou appel des experts dans la budgétisation. Au besoin, poussez pour la création ou la réactivation du groupe de travail spécifique santé mentale ou psychosocial ou des questions plus précises seront discutées.



Développez ou adaptez des lignes directrices y compris au niveau micro : en tant qu’expert en psychosocial ou santé mentale, attelez-vous à développer des directives ou à adapter des directives existantes au contexte. Actuellement dans la région des grands lacs, la tendance est de copier et coller les mêmes mesures que ce qui est appliqué dans les pays européens. Il peut être nécessaire d’adapter ces directives au contexte local. Dans tous les cas, réfléchissez et proposez des directives standards dans votre domaine d’expertise. Il peut s’agir des formations ad hoc sur l’écoute active ; sur la gestion des émotions ; la gestion de deuil lors des enterrements dignes et sécurisés ; sur le travail psychologique à distance avec les personnes en quarantaine ; vous pouvez aussi développer des fiches ou des kits à rendre disponibles pour ceux qui en ont besoin.



Offrez et organisez des formations : D’un côté, il faudra former les personnes qui offrent les soins de santé mentale en prévention et réponse au COVID. Il s’agit ici des psychologues, psychiatres, assistant.es psychosociaux, agents d’accueil dans les formations sanitaires, ect qui doivent très bien maitriser les basiques sur le covid19 ainsi que les éléments de langage pour en parler avec leur patients/clients/bénéficiaires ; et d’autre part, il faudra former le personnel soignant sur les basiques en soins de santé mentale notamment la manière d’annoncer le diagnostic, l’écoute active, les références et contre référence (dans la mesure du possible). Souvent il faudra préférer les échanges entre soignants au lieu de transferts de cas, le diagnostic différentiel des cas nécessitant une prise en charge en soins de santé mentale.



      2.     AU NIVEAU DE LA SOCIÉTÉ EN GÉNÉRAL : LES CONSIDÉRATIONS SOCIALES ET SERVICES DE BASE ET LA SÉCURITÉ :



- plaidoyer sur sécurité : il est quasi impossible de mener des actions psychosociales et de santé mentale dans une situation d’insécurité et de conflit armé. Il faudra commencer par un plaidoyer auprès des acteurs décideurs de la sécurité afin d’avoir un lieu ou un moment propice ; le travail en synergie avec les acteurs de protection est incontournable.



-Renforcez la vulgarisation des informations correctes sur le Covid19. A puiser sur le site de l’OMS de préférence ou sur les informations disponibles par l’équipe de la riposte. Notamment sur ce lien conseil au public sur le COVID19 . Il est important de bien communiquer car une mauvaise communication entraine un manque de confiance dans les structures et l’offre des soins. L’exemple des essais vaccinaux en Afrique démontre jusqu’à quel point une communication défaillante et sans source ou autorité répondante peut faire plus de mal que de bien. Au besoin, faites recours à des experts de ce domaine et ne communiquez que des messages préalablement acceptés dans les groupes de travail. 



- Donnez les adresses de lieux de Prise en charge : les informations que vous vulgarisez doivent répondre aux questions suivantes : Doit-on aller à l’hôpital ou pas lorsqu’on a des signes ? quels sont ces hôpitaux choisis dans telle ou telle zone ? Par quelle voie peut-on aller dans ces hôpitaux? Pour ce faire, recopiez les informations déjà prévues ainsi que les numéros de téléphone que donne l’équipe de la riposte du pays ou de la province. Je vous conseille de tester ces numeros et voir si le processus fonctionne, et rapporter tout couac à la coordination.


- Soutenez les mesures de prévention en mettant en place des stations de lavage de mains ou distribution de solution alcoolisée. Dans certaines villes le port de masque est obligatoire. Assurez-vous que vous contribuez à la bonne information sur le bien-fondé de cette mesure, les informations sur les masques et leur qualité, la disponibilité et pourquoi pas leur distribution. Il faut s’assurer que la population sait exactement comment les porter et pour combien de temps.



- Luttez contre les rumeurs : 
Cette image du ''VIH'' en rouge discutant en swahili 
avec le ''corona virus'' en bleu illustre le fait 
que les gens pensent que le COVID19 n'attaque
que les riches et les VIP. 

Découvrez quelles sont les rumeurs qui défraient la chronique ou celles qui sont localisées dans vos zones, formulez des messages qui les ciblent spécifiquement et donnez les bonnes informations. Ça peut être celles qui laissent croire que les africains sont invulnérables au COVID19 ou encore des formules sur des mixtures proposées par des charlatans, etc. ces fausses croyances font beaucoup de mal à la riposte. En tant qu’acteur du psychosocial, vous êtes en bonne position pour aussi collecter les idées que se font les gens sur les lieux de prise en charge, ou les questions qu’ils se posent. Ces idées et rumeurs peuvent alimenter la commission traitant de la communication de la riposte pour assoir des meilleurs messages. 




- Luttez contre l’Infodémie : je reviens dessus car il s’agit d’une épidémie dans l’épidémie. L’Infodémie est définie comme un bombardement d’informations parfois contradictoires et qui génèrent de l’anxiété. En ce moment, nous nous retrouvons assaillis d’information avec des décomptes macabres, parfois difficiles à interpréter, générant du stress tant chez la population que chez les soignants. Découragez la recherche active et frénétique des informations même non vérifiées ni vérifiables sur covid19, entrainant parfois des discussions, interprétations fausses, parti pris et même des conflits.


      3.     LE RENFORCEMENT ET SOUTIEN COMMUNAUTAIRE ET FAMILIAL :


-encouragez les personnes à rester chez soi tout en tenant compte de la vulnérabilité économique des ménages. Dans des contextes ou le confinement est décrété et possible, pensez à aider les communautés et familles avec des stratégie de gestion d’économie familiale, et si vous avez des compétences dans ce domaine, il faudra réfléchir sur des principes de base pour les familles : des conseils pour coordonner les dépenses familiales sachant que la femme a souvent l’expertise des besoins fondamentaux dans le ménage, réduire la quantité journalière des repas au besoin, se constituer des réserves alimentaires, disposer d’un peu d’argent pour les urgences, etc.

Dans les cas où les familles sont très vulnérables et ne peuvent même pas mettre en place ces stratégies, plaidez pour des soutiens socio-économiques pour les plus vulnérables via vos projets. Vous pouvez aussi organiser des collectes de fonds et dons en nature pour les familles les plus lésées comme je le vois maintenant via WhatsApp et Facebook, en recourant à la solidarité africaine.


-Luttez contre le SGBV et autres violences domestiques comme je l’ai déjà mentionné dans mon article précédent ou je donne des astuces pour continuer à travailler malgré le COVID19


- Mettez en place des nouveaux moyens et canaux de communication entre vous et la communauté et les familles qui aurait besoin de services de santé mentale :  des lignes téléphoniques spécifiques pour recevoir des appels, pour assurer l’écoute active. Utilisation de WhatsApp, Skype, Facebook, etc.

-Pensez spécifiquement aux personnes âgées : il faudra développer des situations et services qui ciblent spécifiquement des personnes âgées car sont plus vulnérables au covid19. De plus ces personnes ne sont pas souvent très actives sur les réseaux sociaux et ont donc peu accès à l’information et ne savent pas souvent utiliser les nouvelles technologies. Les activités spécifiques pour ces personnes doivent tenir compte de la culture. Dans la région des grands lacs, et en milieu rural, les personnes âgées ont toujours bénéficié de beaucoup de respect. Le langage et la manière de communiquer avec elles doivent être adaptés, surtout que pour elles, le confinement signifie qu'ils verront moins leurs enfants et petits enfants. Ces personnes sont souvent très croyantes et auront peut-être plus confiance aux structures religieuses, ne pas oublier de collaborer avec ces dernières. Les femmes et filles sont souvent en première ligne pour s’occuper des vieillards, il faudra réfléchir dans les appuis à ces dernières comment intégrer cette donnée dans les activités à mener (kits distribués ? informations ? références ?). Les personnes âgées sont de plus en plus dépendantes car ne générant pas des ressources financières ou matérielles, elles nécessiteront probablement plus de besoins en nourriture ou vêtements que les personnes plus à même de générer des ressources. Les personnes âgées ont souvent d’autres pathologies associées, peut-être chroniques. Pensez à informer sur le traitement disponible pour elles. Les personnes âgées peuvent penser à la mort plus que les autres, même si c’est plus ou moins sereinement, mais les conditions de funérailles peuvent les angoisser au vu des mesures prises pour les enterrements dignes et sécurisés. Il faudra être plus à l’écoute pour elles. Ces points ne sont pas exhaustifs.

Pensez aux enfants : même si plusieurs études démontrent que les enfants ne sont pas aussi vulnérables que les personnes âgées à cette infection, il est important de s’occuper des enfants surtout dans le domaine psychosocial. En les écoutant, les laissant exprimer leurs émotions via des dessins ou jeux, mais aussi en encourageant les parents à communiquer avec eux. Confiner des enfants n’est pas chose facile et il faut beaucoup de patience et imagination pour les occuper utilement.  Il est important de leur expliquer ce qui se passe et du matériel approprié à l’âge peut être développé en langage et langue courante. On peut aussi utiliser les médias populaires (émissions radio-télévisées) pour communiquer avec des enfants. Plus d’astuces sur ce lien qui donne des Conseils à l’attention des parents et des personnes chargées de la garde d’enfants pendant la fermeture des établissements scolaires en raison du COVID-19 .


      4.     LE TRAITEMENT OU SOUTIEN INDIVIDUALISÉ POUR DES PERSONNES EN SITUATION DÉLICATE (DEMANDE D’AIDE) :


Rendez disponible des infrastructures et du personnel expert en santé mentale pour aider le personnel à gérer des cas de malades mentaux avec COVID19.  Que ce soit dans les quarantaines, ou dans les hôpitaux choisis pour les soins aux personnes malades du covid19, votre rôle sera de vous assurer qu’il existe du personnel expert en santé mental qui peuvent prendre en charge des personnes qui seraient en crise suite à leur pathologie mentale existante ou qui se développerait. Basez-vous sur le profil épidémiologique dans votre région (si cette information-là existe). Au Rwanda, par exemple, en cette période de commémoration du génocide, misez sur les experts en PTSD ; ailleurs n’oubliez pas les malades épileptiques. Les dépressions nerveuses, les bouffées délirantes aigues peuvent aussi se manifester



Pensez aux actions pour les personnes en quarantaine :

Les personnes en quarantaine sont en attente de savoir si oui ou non elles sont malades. Elles sont donc non seulement stigmatisées mais aussi en état de choc et se débrouillent comme elles peuvent pour résister.

-si elles sont dans leur domicile, il est important de les encourager à y rester et à donner toutes informations en temps opportun. Restez en contact permanent.

-Si elles sont dans un lieu isolé mis en place par la riposte covid19 assurez-vous que le lieu est propre, propice à un bien être mental, et sécurisé.

Voici quelques actions en tant qu’acteur du psychosocial à développer avec elles :

Proposez des exercices physiques et cognitifs, encouragez-les à lire, regarder plutôt des émission ou chaine de détente. Encouragez-les à faire de la méditation, du yoga, la prière pour les croyants. Découragez-les de suivre les informations en continu, rappelez que plusieurs choses sont en cours d’études et éradiquez toutes les rumeurs d’ordre sanitaire et parfois dans d’autres domaines ( économique, sécuritaire, politique etc) de nature à accroitre le stress et leur sentiment d'impuissance. Attention, il faut neanmoins leur rendre disponible toute information necessaire notamment leurs resultats, les dispositifs mis en place etc.


      5.     LES SERVICES SPÉCIALISÉS : CENTRE DE PRISE EN CHARGE
Il s'agit ici des centres qui offrent les prises en charge, et ça peut être les soins medicaux et/ou psychologiques. voici quelques types d'actions:

-Offrez du soutien psychologique au personnel soignant : le personnel soignant a autant besoin que les autres sinon plus d’avoir un accompagnement durant ces moments de stress. Soyez disponible et à l’écoute, avec votre expertise.

- travaillez avec l’existant : ne créez pas de nouvelles structures de prise en charge psychosocial, mais plutôt intégrez les activités dans les structures existantes et de préférence celles qui ont déjà été sélectionnées pour le suivi des cas (quarantaine) et la prise en charge.

- en ce qui concerne les services spécialisés de santé mentale : assurez-vous qu’ils ont intégré les questions COVID19 dans leur offre de pris en charge. Il faudra trouver un lien et assurer la possibilité de référence pour les cas qui développeraient des signes d’infection au COVID19. Ceci passe par le développement et vulgarisation des protocoles et ordinogrammes qui doivent être connus et maitrisés par tous dans le centre spécialisé. 


Voilà ce que j’ai prévu pour vous, pour cette deuxième partie.

Pour mon troisième et dernier article, sur cette série sur le bien être psychosocial et le covid19, je compte vous parler du travail sur soi et une petite conclusion sur l’ensemble des trois articles.



Prenez soin de vous !

Aziza



Commentaires

  1. Félicitation pour cet article qui ressort nettement bien les lignes directrices focus sur le psychosocial face au covid-19. Courage !

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  2. Mes encouragements à ton égard.

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  3. Article instructif. Il semble que tu as oublie de mettre la traduction de la conversation des virus.

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